Pataphysique des corps

"Le doute est un hommage rendu à l'espoir"... Je me retrouve chez ce Lautréamont de nulle part que j'imagine ne presque pas exister hors de ses bouquins (comme je n'existe presque pas hors du petit cinéma qui me casque). L'histoire - ou est-ce le temps? - fait bien les choses, dit-on. Quelques siècles avant moi peut-être a-t-il eu le plaisir de découvrir un jongleur de mots qu'il aurait travestit pour en arriver à se dire que la vie est belle "comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie".

Si l'avenir n'est plus ce qu'il était, c'est que je le crée à chaque jour... à partir de rien.


Urgences

Une nuit, juste une... tout le temps qu'il faut pour creuser une rivière sur mon visage et ne plus me reconnaître. On ne devrait rien dire des accidents qui éclatent comme le tonnerre sinon qu'ils arrivent.

À l'hôpital, sur le seuil, un homme en pièces détachées délire : "I don't wana come in here, I was born here!".

Après les sévices, la civière... Je suis mis au brancard.
Béante est la brèche de lumières éteintes.
Je dors dans les bras de morphine...

Point Break

Le 15 mars 1985 n’est pas gravé dans l’Histoire ni même dans mon livre-à-moi... Pourtant ce jour-là un événement majeur-de-rien a eu lieu. C’est en effet la date à laquelle a été enregistrée le tout premier nom de domaine en .com : symbolics.com.

Selon l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OCDE), 76 millions de noms de domaines ont été enregistrés entre 1985 et 2010. Ça fait beaucoup. Vingt-cing ans et 76 millions de point quequechose plus tard on arrive à trouver à peut près tout sur le net...

Ça vous impressionne? Vous vous dites qu'on arrête pas le progrès, que vous en faites partie et que vous êtes des maîtres navigateurs Internet voguant vers l'avenir? Eh bien, dites-vous qu'il y a quelque chose comme 4 milliards de point G qui n'ont pas encore été trouvé dans ce monde...


Lâchez pas votre souris!

Nouveau départ...

De retour entre quelque part et ailleurs...

Collapsus

D'escaliers en corridors, le dédale que forme nos vies n'est pas toujours apaisant. Ce sont de biens curieux labyrinthes que nous traçons. Le souffle que l'on a, l'être que l'on est... toutes ces "choses" que l'on aimerait fixer et qui nous fuient tout juste.

Les dédales parisiens tracent d'étranges points de fuite. Foisonnement d'errances dans le château des châteaux : ici tout le monde n'est personne. Et c'est dans cette kyrielle que je me serai retrouvé. Dans le trop plein anonyme, j'aurai replongé en moi pour me revisiter. J'aurai émergé pour te découvrir là haut à m'attendre: unique et précieuse... mon plus bel horizon.

Il ne me reste que quelques jours à Paris et je ne sais plus où regarder, où aller. Je veux tout saisir du regard, tout imprimer, tout mémoriser. Je veux chaque souvenir, chaque petit rien. Je veux surtout chacun de tes gestes, chacun de tes regards, chacun de tes sourires. Je te veux à mes côtés pour toujours.

Cependant, comme la rivière aux pieds d'Héraclite, ainsi va le cours des jours... Mon grand amour demeurera sur les rives de la Seine et dévoilera ma blessure. Patiemment, j'attendrai en haut de l'escalier la main émue. Entre toi et moi toutes ces heures, toutes ces bornes. Dans l'épaisseur de la distance, je ne te perdrai jamais de vue et marcherai. Je connais par coeur les chemins qui mènent à toi. Je les emprunte chaque jour.

À bientôt...

Paroles

Il y a, même dans les plus grandes écoles, de ces maîtres de la parole qui utilisent beaucoup de mots pour dire finalement bien peu de chose. Devant l'éloquence de ce parler, celui qui se tait n'entend parfois que sa propre déception. Déçu qu'il est d'une parole qui demeure en trop, qui s'étire et se répète jusqu'à ne plus rien évoquer sinon le fait qu'elle parle.

Or, il m'apparaît que parler est bien un acte qui ne se fait pas tout seul. D'abord, parce qu'on parle toujours à, de, pour quelqu'un. Ensuite parce qu'il ne suffit pas d'accomplir cet acte pour dire quelque chose. Comme toute action dirigée parmi/vers autrui, il nous impute de s'interroger de son bien fondé, d'en porter la responsabilité. Conséquemment, lorsque l'on ouvre la bouche, il faut aussi se demander ce que l'on veut : dire ou parler.

Depuis quelque temps, il y a ici en France un débat sur l'identité nationale dont les échos me rappellent un exercice que nous avions également tenté au Québec il y a peu. Encore une fois, j'y trouve la même déception à savoir qu'à l'intérieur de ce débat on parle beaucoup alors que pour ce qui est de dire c'est surtout sur le fait du débat lui-même que c'est dit. Honnêtement, je me demande ce que peut bien signifier la portée de ces actes d'un point de vue culturel et politique. Que peut bien dire de nous-même le fait que ce sont les contenants et non les contenus qui deviennent de plus en plus "parlant" ?

L'Étranger

Ce 4 janvier, tranquille à la maison, j'allume la radio pour couvrir le silence des voisins... J'essaie de travailler le concept de subjectivation chez Rancière et le Touraine "nouvelle mouture"... Parfois, n'en déplaise à Aristote, un peu de phonè aide à la concentration, aide le logos. Bref, j'allume la radio sans trop écouter.

C'est France Culture qui est syntonisé alors ça parle. Ça parle tellement qu'après une heure, je me rends compte que ça parle... que ça parle français même et que ça parle d'Albert Camus. Tiens, Camus... qu'a-t-il bien pu ne pas faire pour qu'ils en parlent tout l'après-midi*?

Eh bien, les Français célèbrent le 50e anniversaire de la mort d'Albert Camus. Victime d'un accident de voiture sur une route du département de l'Yonne, il devient le lauréat du Prix Nobel ayant eu la vie la plus courte, mais il devient aussi immortel puisqu'on en parle toujours...

Né en 1913 dans un quartier populaire d'Alger, Albert grandit avec ses deux frères et sa mère analphabète à qui il voue une grande admiration. À l'école communale, son instituteur Louis Germain détecte son talent pour les lettres et le pousse à poursuivre ses études.

En 1940, Camus s’installe à Paris. Dans la trilogie du "cycle de l'absurde" il développe sa philosophie : l'Homme ne trouve pas de cohérence dans la marche du monde et n'a d'autre issue que la révolte. En 1943, il s’engage dans la Résistance et prend la direction du journal clandestin Combat.

Après la guerre, l’intellectuel continue de se distinguer par ses prises de position politique. Il sera l’un des rares à dénoncer l'utilisation de l'arme atomique après le bombardement d'Hiroshima, en août 1945. Homme de gauche, il dénonce la dérive vers le totalitarisme de l’Union soviétique, ce qui lui vaut de se brouiller avec son ami Jean-Paul Sartre. Puis, il s’attire les foudres d’une gauche soutenant la lutte pour l’indépendance algérienne en refusant le terrorisme sous toutes ses formes.

Janvier 1956, son appel à la trêve pour les civils l'éloigne définitivement de la gauche française. Simone de Beauvoir dira alors que "Camus s'est rangé «du côté des pieds-noirs», et qu'il a choisi la colonisation contre la guerre d'Algérie". Interrogé par un étudiant algérien, sur le caractère juste de la lutte pour l'indépendance, Camus répondra : "Si j'avais à choisir entre cette justice et ma mère, je choisirais encore ma mère."

Cette prise de position est sans doute ce qui fera dire à de nombreux Agériens qu'il n'est pas un écrivain algérien, mais un écrivain français d'Algérie. D'ailleurs, beaucoup de journaux algériens sont totalement silencieux sur le cinquantième anniversaire de sa mort. Pas un mot dans El Moujahid, le quotidien gouvernemental. Rien non plus dans Le Quotidien d'Oran, premier quotidien francophone du pays. Liberté, quotidien près du mouvement kabyle organisé politiquement dans le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), se contente d'annoncer les émissions qui seront consacrées à Albert Camus cette semaine... dans les médias français. El Watan ("Le pays") est le seul à lui consacrer un véritable dossier, avec des opinions contrastées.

En 1957, il reçoit le prix Nobel de littérature pour l'ensemble de son œuvre "qui met en lumière les problèmes qui se posent [...] à la conscience des Hommes". Lors de la remise de son prix, il rend un hommage appuyé à son instituteur et devient le symbole du succès de l’école républicaine. Les honneurs le confirment, on en a quand même fait un membre de la République!

D'un côté, les Algériens pour qui l'écrivain ne s'est jamais débarrassé de ses réflexes bien enracinés dans son inconscient colonial. De l'autre, les Français pour qui il est encore "pied noir"... Ça a beau parler à la radio, écrire dans les journaux, moi j'entends surtout "le malaise dans la colonisation"**.

Je sais, c'est très québécois diront certains...

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*Lorsque nous parlons de l'après-midi, les Parisiens rigolent. Notre utilisation de "matinée" et "d'avant-midi" aussi les fait bien rire. Fin de semaine, souper, dîner, déjeuner... À bien y penser notre rapport au temps n'est pas du tout le même. Faudrait creuser le sujet éventuellement.
** ... désolé M. Freud.

Champagne!

Célébrer la nouvelle année à la parisienne c'est avant tout célébrer avec des amis. Les Champs Élysées c'est pour la télé, les touristes, les pickpockets... bref, c'est surfait nous dit-on. Mais célébrer l'arrivée du nouvel an en France c'est surtout une affaire de Champagne! D'ailleurs, les vins de Champagne ont un destin hors du commun dans l'histoire française...

Le tout remonte à Saint-Rémi, évêque de Reims dans la région de Champagne, qui baptisa Clovis quand ce dernier se convertit pour être reconnu par le Saint-Siège et consacré roi de France. Revenant à ce moment fondateur, de 898 à 1825, tous les rois français seront sacrés à Reims. Selon les récits qui en furent faits, les cérémonies s’accompagnèrent de festins où le Champagne coulait à flots. Complices de cette tradition, les vins de Champagne furent donc consacrés un soir de Noël 496 et ils sont restés associés aux baptêmes : ce sont eux que l’on invite à consacrer le bonheur des premières fois.

Les exemples marquant de cette tradition ne manquent pas... Le 14 juillet 1790, pour la fête de la Fédération sur le Champ de Mars, seul le Champagne est jugé digne d’encourager les révolutionnaires. Il a été de l'inauguration des grandes expositions universelles de 1889 et de 1900 à Bruxelles et Paris. Le Champagne a consacré de nombreux grands traités dont celui de Maastricht, il a baptisé bien des navires et des avions...

Bref, il est le vin des grandes occasions et Nouvel An* n'y échappe pas. Chez nous non plus d'ailleurs, mais à Paris c'est du jamais vu! Une bouteille et une autre, il en faut pour toute la nuit!! Bien entendu, le lendemain on se rend compte que d'accoucher d'une nouvelle année ne se fait pas sans douleur...

Les États-Uniens** ont un remède à tout épreuve contre la gueule de bois : le Bloody Mary. Pourtant, quoi qu'ils en pensent, leur fameux remède des lendemains de veille est une invention parisienne! En effet, le Bloody Mary fut créé en 1921 par Fernand Petiot barman du Harry's New York Bar au 5 rue Daunou dans le 2e arrondissement de Paris. L'établissement y est toujours.

En attendant d'être assez remis pour vous y risquer, voici la recette originale de Fernand Petiot:

4 pincés de sel
2 pincés de poivre noir
2 pincés de poivre de cayenne
1-2 gouttes de sauce Worchestershire
quelques gouttes d'un citron pressé
de la glace concassée
2 onces de Vodka
2 onces de jus de tomate bien dense
(mélanger bien et servir)



Et maintenant, si on pouvait trouver le remède contre la langue de bois...


* En France, l'article précédant "Nouvel An" c'est perdu quelque part et on ne dit pas "le" Nouvel An. Ainsi, on fête Nouvel An comme s'il s'agissait de fêter Pierre, Jean ou Jacques...
** Eh oui, chez nous on ne parle pas de l'Amérique comme s'il s'agissait d'un empire... Parce qu'ils n'ont certainement pas le monopole de l'appellation continentale, les États-Unis sont et demeurent les États-Unis d'Amérique.

Kaput 2009

Bonne et heureuse année 2010!
Français et Québécois, que cette fin de décade vous apporte découvertes et inspiration... De Montréal à Paris, que nos chemins se croisent et se prolongent...


Meilleurs souhaits à tous et à toutes!