Blog-dog




- T'as un blog?
- Oui, en effet.
- C'est contagieux?
- Pas toujours...
- ??



Le concept du blog, est assez vague car il est principalement défini par les usages et les pratiques qui s'y inscrivent. Généralement son auteur en précise l'orientation au départ, mais rien ne le contraint à sa ligne éditoriale. Après tout, déroger est une idée séduisante pour beaucoup, dans beaucoup beaucoup de situation.

Partant du principe des mots cratiques* du "qui veut parler le peut", quiconque le désire peut publier un blog. Ainsi, dans le champ de nos printemps perpétuels, entre vouloir et pouvoir seule se dresse la clôture de la technique. Sous condition de volition et de maîtrise minimale du moyen**, toute fin peut être desservit par le nouveau meilleur ami de l'homotechnologicus: le blog!

Par un curieux mouvement d'inspiration des pratiques et d'expiration des idées, le blog in carne quelque chose d'indéfinissable. À l'instar de la saucisse, outre un peu de chair, on y retrouve de tout et de rien, mais on y retrouve toujours quelque chose comme le résidu d'une pensée, de quelqu'un, d'une expérience, d'une vie...

Loin de moi l'idée de prendre pour vétille la fenêtre qui me permet de composer de nouveaux paysages prosaïques, de me soumettre au délice de l'écriture et à la voltige des mots. Seulement, du bout des doigts dansant sur ce clavier, j'aimerais partager une observation que j'éprouve à coups d'oreilles depuis mon arrivée à Paris...

Dans les séminaires, les colloques, les conférences mais aussi et surtout autour d'un verre, dans un café, au coin de la rue, à la table et à la radio, je m'aperçois que les gens n'ont pas peur de la chair des idées. Il me semble les voir, bonne fourchette, se sustenter de la substantifique moelle de l'intellect sans chercher à éviter le poids des mots et de la parole. Après tout, ce qui trouve sont chemin jusqu'à l'assiette relève surtout de l'appétit.

Certes tous les goûts sont dans la nature et, à ce titre, chacun a son mot à dire. Certes la liberté de choix est un principe fondamental des mots cratiques. S'intéresse à quoi bon, qui veut. Cependant, pourquoi accepter de se priver des Lumières et s'enfermer dans l'obscurité le menu à la main? Est-ce exercer pleinement son droit à choisir que se priver d'emblée de possibilités?

J'en conviens, sous le couvert d'argent de l'élégante pensée se cache souvent trop de vent habillé du velours. On a beau dire, trop de mots pour si peu c'est... décevant. Il y a plusieurs façon de nommer un plat, mais un plat est un plat. Ses saveurs ne changent pas selon les mots qu'on veut bien lui prêter. L'accent n'y fait pas davantage...

Là où il est plus aisé de parler du temps qu'il fait j'aime voir surgir ceux qui osent s'avancer dans le royaume de l'Idée et n'hésitent pas à entretenir une passion pour une province de cet État. La saucisse c'est bien bon, mais gruger un os l'est tout autant. À la table du prêt à manger, il est aussi intéressant se risquer aux fourneaux.

À chacun son appétit!
... mais parfois l'appétit vient en cuisinant.



* Du grec ancien Κράτος/Krátos : divinité grecque personnifiant le pouvoir qui a enchaîné Prométhée sur le mont Caucase au nom de Zeus à qui il avait dérobé le feu divin de la culture pour le donner à l'homme.
** Après tout Internet, sous son feuillage édenistique d'absolue liberté, permet aux pythonisses de prédire un avenir verdoyant à tous les possibles désirant s'affirmer.

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